Saviez vous que les chutes du Niagara avaient été arrêtées ? Bien entendu, on pense tous connaître les somptueuses chutes du Niagara ! Situées à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, chacun des deux pays en possède une partie sur son territoire. Si elles ne sont pas les chutes d’eau les plus hautes du continent, elles sont cependant les plus puissantes d’Amérique du Nord avec un débit de 2800 m3/s. Oui, un chouilla plus que votre douche… Est-il nécessaire de préciser qu’elles sont également les chutes d’eau les plus célèbres au monde ? Mais il n’empêche que ces dernières regorgent de secrets.
Face à une telle puissance naturelle, on imagine l’homme tout petit, ridicule et sans défense. Ces chutes semblent totalement inarrêtables ! Et pourtant, un mois seulement avant que Neil Armstrong ne pose un pied sur la lune, l’homme a assez facilement réussi à interrompre le cours de la cascade. Espèce humaine VS nature, so 1969 ! Allez, venez, on vous raconte !
L’arrêt des chutes du Niagara
La mise à sec des chutes américaines de 1969
Pour rappel, les chutes du Niagara sont séparées en deux. La partie la plus importante se trouve au Canada, on l’appelle le Fer à cheval de par sa forme évocatrice. Cette cascade entraîne à elle seule 90% du débit de l’ensemble, ne laissant que les miettes à la partie simplement dénommée chutes américaines.
Il faut également savoir que les chutes n’ont pas toujours été à leur emplacement actuel. Lors de leur création, elles se trouvaient en effet 11km plus au nord ! Avant que les techniques modernes ne ralentissent le mouvement, les chutes reculaient chaque année d’un mètre environ. Incroyable, n’est-ce pas ? En conséquence, un article de presse de 1965 a prédit la très prochaine mort des chutes du côté américain. Il faut dire qu’un effondrement géant de 185 000 tonnes de roches qui s’était produit 10 ans auparavant avait rendu tout le monde pessimiste… Cet article de presse a alors aidé le grand public à prendre conscience des enjeux et a obligé les autorités à agir. Vive la presse !
La décision a donc été prise de confier à l’armée américaine, l’Army Corp of Engineers pour être exact, l’arrêt total des chutes du Niagara américaines pour évaluer la situation. L’idée (folle) était de voir s’il était nécessaire de déblayer les roches accumulées au pied de la cascade, afin d’éviter qu’à terme, elle ne soit transformée en simples rapides…
Le 12 juin 1969, les bulldozers se sont mis en route et ont entamé la construction d’un barrage en pierres et en terre en amont des chutes américaines. Il a tout de même fallu trois jours pour compléter ce barrage de 28 000 tonnes sur 180m de long pour 2,4m de haut ! Alors que l’eau cessait de couler le long des chutes américaines, tout le débit de la rivière Niagara était dirigé vers les chutes du fer à cheval. Désolé de vous décevoir, mais le fer à cheval n’était pour autant pas devenu plus impressionnant qu’il ne l’est déjà ! Un maximum d’eau était en effet dévié bien en amont par des canaux construits pour les besoins des centrales hydrauliques. Mais la vision des chutes américaines à l’arrêt était, à elle même, suffisamment captivante !
Pendant plusieurs mois, les ouvriers et ingénieurs ont donc pu travailler à sec, au calme, sur les rochers de la cascade. Ils ont malheureusement débuté leur travail en dégageant les cadavres d’un homme et d’une femme coincés dans l’amoncellement de roches. Sans l’arrêt de l’eau, leurs corps n’auraient jamais pu être récupérés… Après avoir sécurisé la zone pour que les milliers de touristes puissent profiter du spectacle directement depuis le lit de la rivière, les équipes de l’armée ont comblé toutes les fissures qui risquaient d’accélérer l’érosion ! Finalement, il a été décidé de ne pas déblayer les milliers de tonnes de rochers accumulés au pied des chutes. L’énormité du budget nécessaire à une telle opération a bien évidemment été le catalyseur de cette décision. Les ingénieurs ont cependant eu la décence d’expliquer leur décision avec une volonté de laisser faire la nature… Eh oui.
Le 24 novembre 1969, une partie du barrage de pierres et de terre a été dynamitée, rendant ainsi aux eaux leur ancien parcours.
Le précédent arrêt des chutes du Niagara de 1848
Si cet arrêt d’origine humaine de la moitié des chutes du Niagara n’est pas assez impressionnant pour vous, il vous faudra remonter bien plus loin pour trouver mieux ! Le 29 mars 1848, peu avant minuit, un fermier habitant aux alentours des chutes s’est soudain aperçu d’un étrange silence. Habitué au grondement caractéristique des cascades, il s’est précipité vers la rivière et s’est rendu compte que l’eau avait totalement cessé de couler ! Au petit matin, les habitants ont eu la surprise de voir que le lit de la rivière était bel et bien à sec. Bizarre vous dites ?
Nous sommes en 1848, le télégraphe venait à peine d’être inventé et il était difficile d’obtenir une raison scientifique immédiate à ce phénomène. Les gens se sont donc précipités dans les églises, craignant qu’il ne s’agisse d’un signe annonciateur de la fin du monde… Ces craintes ont vite été levées lorsque les premiers curieux ont commencé à affluer sur le site. En effet, les visiteurs venus de Buffalo, situé à une trentaine de kilomètres, ont rapporté que l’embouchure de la rivière était complètement bouché par de la glace venue depuis le lac Erié ! Ce phénomène était dû au vent qui avait poussé les blocs de glace qui flottent chaque hiver sur le lac, vers le mauvais endroit…
Une fois rassurés, les locaux et les milliers de touristes accourus pour assister au spectacle ont pu s’en donner à cœur joie ! Les gens se sont amusés à traverser la rivière à pied, à cheval ou en même en buggy, hippomobile bien sûr. Des soldats de l’US Army Cavalry ont même paradé à cheval en amont des chutes. Les curieux ont pu ramasser de nombreux souvenirs, notamment des objets militaires (fusils, baïonnettes, tomahawks), témoins de la guerre américano-anglaise de 1812. Profitant de l’occasion, les propriétaires du Maid of the Mist, ce bateau qui emmène, encore aujourd’hui et ce depuis 1846 les visiteurs au plus près des chutes, ont même fait dynamiter un grand nombre de rochers qui entravaient sa navigation. Tant qu’à faire !
Et finalement, au petit matin du 31 mars, après 30 heures au sec, un grondement sourd est arrivé aux oreilles des habitants. Quelques minutes plus tard, un mur d’eau a déferlé le long du lit de la rivière Niagara, et cette eau s’est soudainement remise à couler le long des chutes ! Il n’existe, hélas, aucune photo de cet événement. L’image qui y est généralement associée date de 1911, à un moment où seules les chutes américaines (qui ne concentrent que 10% du débit total du Niagara, rappelons le) ont été prises par la glace. Par contre, on peut trouver des articles de presse relatant l’événement. Il faut cependant être vigilant car l’arrêt des chutes du Niagara était déjà à l’époque un poisson d’avril particulièrement courant dans les journaux. L’arrêt de 1848 s’est déroulé l’avant-veille du 1er avril, mais était, lui, bien réel !
N’espérez pas trop être témoin d’un tel événement dans les prochaines années. Des mesures ont été prises au niveau de l’embouchure du Niagara dans le lac Erié pour s’assurer que la rivière ne soit plus jamais totalement encombrée par les glaces. Oui, c’est dommage… Par contre, les autorités veulent reconstruire les ponts situés en amont des chutes américaines, ce qui les obligera à réitérer leurs aventures de 1969 ! Et non, il n’est pas prévu qu’ils en profitent également pour retourner sur la Lune ! Dommage.