New York est bien évidemment l’une des villes les plus célèbres au monde. Si tout le monde a au minimum quelques notions concernant la plus grande ville des Etats-Unis, peu connaissent réellement l’Histoire de New York. Nous avons donc décidé de remonter en profondeur dans le temps, jusqu’aux origines de la ville localisées sur l’île de Manhattan. De la création de New York jusqu’au fameux plan en blocks, on vous emmène en voyage dans le temps. Suivez nous !
L’histoire de New York : aux origines de New York
La création de New York : de 1 à 2 000 habitants (1614 – 1664)
L’histoire de Manhattan commence en 1609 quand le navigateur Henry Hudson s’aventure sur la rivière qui porte aujourd’hui son nom. Oui, plutôt classe comme souvenir de voyage ! Ce dernier remarque que de nombreux castors peuplent alors les environs. Les peaux de castor étaient alors à la mode en Europe et leur commerce particulièrement lucratif. La présence de ces animaux a servi de déclencheur au choix des hollandais d’établir une colonie. La légende veut que le premier colon à s’installer sur l’île, le premier premier habitant et le fondateur de New York, s’appelait Jan Rodrigues.
La colonie hollandaise de Nouvelle Amsterdam, le célèbre ancien nom de New York, fut fondée l’année suivante : la date de création de New York est donc 1614. Si Manhattan (de Manna-hata, « l’île aux nombreuses collines » dans la jolie langue des indiens algonquins) était le centre de la colonie, les habitants passaient plus de temps dans les forêts aux alentours que sur l’île, essentiellement constituée d’entrepôts sur ses rives. Ceci changea à partir de 1624 avec l’installation d’une centaine de colons ! Ces derniers s’installèrent de façon anarchique un peu partout sur la pointe sud de Manhattan. La poursuite de la colonisation dans les années suivantes avait fait de Manhattan un morcellement désorganisé d’habitations, et les rues se formaient au hasard selon les espaces laissés vierges de construction. On est bien loin des blocks à l’américaine !
Parmi les premiers colons, ont été envoyés des hommes avec pour but précis d’organiser l’urbanisme de la Nouvelle Amsterdam. Un des objectifs était alors la construction d’un fort à la pointe sud : le Fort Amsterdam ! Le but était alors de se protéger des attaques des anglais qui pourraient être intéressés par le territoire, et bien sûr également des indiens. Ce fort, élément clef de l’Histoire de Manhattan, sera achevé en 1626 (et ironiquement détruit par les anglais pendant la guerre d’Indépendance).
Parmi les plus vieilles rues de Manhattan visibles sur les plans de l’époque, on reconnait Broadway, qui se trouvait simplement être un espace de circulation plus large que les autres (broad = large en anglais) qui reliait alors le fort aux champs du nord. On peut également noter la Broad street, qui fut créée suite au remplissage du Broad canal qui s’étendait alors du nord au sud, créant à nouveau un espace plus large que les autres.
Par la suite, les noms de rue de Manhattan ont prouvé cette volonté d’organisation de la colonie par les hollandais. Si tout au nord, Wall Street fait directement référence au chemin qui longeait le mur d’enceinte de la ville au nord, Pearl Street longeait alors la rivière et fut nommée ainsi à cause des nombreuses huîtres trouvées en ce lieu par les hollandais. Bref, on retrouve cette même logique dans les noms des deux rues qui traversaient la pointe d’est en ouest. Beaver street fut nommée dans les années 1660s en hommage au castor qui était au cœur du commerce entre la Nouvelle Amsterdam et la Hollande, et, un peu plus au nord, Garden Street (en hollandais Tuyn Straet, rue des jardins en français) qui apparaît sur les plans de l’époque et est aujourd’hui disparue. Tout au sud, Stone street, jusque-là High Street (Hoogh Straet en hollandais) fut nommée ainsi après avoir été la première rue pavée en 1658 !
Avec Broadway, la deuxième rue qui coupait le sud de l’île de part et d’autre du Broad Canal est ce qui s’appelle aujourd’hui la William Street. Elle fut nommée d’après Willem Beekman, l’un des premiers colons qui est par la suite devenu maire de New York. Autant dire qu’il aura largement laissé son empreinte dans l’Histoire de Manhattan !
Pour accompagner l’extension de la Nouvelle Amsterdam au-delà de Wall Street, il devint courant de nommer les nouvelles rues d’après les propriétaires terrains qui occupaient jusque-là l’espace. On retrouve à nouveau Willem Beekman à travers la Beekman Street, localisée à l’emplacement de son ancienne ferme. A proximité immédiate, la rue qui s’appelle aujourd’hui Nassau Street était désignée Kip Straet, du nom d’une famille de colons.
L’Histoire de Manhattan : la période anglaise
Le développement de New York : de 2 000 à 22 000 habitants (1664 – 1775)
En 1664, l’histoire est connue, les anglais capturent la ville et la rebaptise New York en hommage au duc de York. Hollandais et anglais se sont finalement mis d’accord en novembre 1674, les britanniques gardaient New York en échange de ce qui correspond aujourd’hui au Suriname… Cette origine hollandaise n’est pas oubliée aujourd’hui et a toujours sa place dans l’Histoire de New York. A titre d’exemples, Harlem vient de la ville hollandaise de Haarlem, Flushing de Vlissingen, et Brooklyn de Breukelen. Surprenant, n’est-ce pas ? On estime la population de Manhattan à cette date à moins de 2 000 habitants.
Sous domination britannique, d’autres personnages influents de l’époque sont choisis comme nom pour les nouvelles rues. Fulton Street vient de Robert Fulton, un inventeur qui avait développé un bateau à vapeur. Un autre exemple : la Vesey Street dont le nom vient de William Vesey, le premier recteur de la Trinity Church construite à proximité.
De façon amusante, les marchands influents pendant l’expansion de la ville ont pris l’habitude de nommer les nouvelles rues d’après le prénom de leur femme. Quoi qu’il en soit, l’anecdote veut que la femme du Capitaine Thomas White était jalouse des autres femmes de marchand et ait exigé de son mari une rue à son nom. Ainsi est née Ann Street et la femme du capitaine a réussi à entrer dans l’Histoire de New York !
En 1700, alors que la population atteint 5 000 habitants, les limites de la ville excèdent largement Wall Street et plusieurs villages gravitent sur Manhattan autour de New York. Leurs noms sont familiers : Harlem, Greenwich Village, Manhattanville…
Vers 1750 la ville est en pleine expansion et les besoins en terrains deviennent pressants. Un ingénieur nommé Francis Maerschalck présente le premier plan d’urbanisation rationalisé et rectangulaire, alors que les terres gagnent progressivement sur les eaux !
Cependant, alors que l’Histoire de New York est rattrapée par l’Histoire des Etats-Unis, la Guerre d’indépendance (1775-1783) porta un coup d’arrêt au développement de la ville. Elle est à plusieurs reprises le théâtre direct de confrontations militaires. D’abord lieu de la première victoire de George Washington, elle fut ensuite reprise et gardée jusqu’à la fin de la guerre par les troupes britanniques. Cette présence entraîne de nombreux incendies majeurs et une forte récession ! La population de l’île atteint alors les 22 000 habitants.
L’Histoire de New York : l’urbanisation rationalisée
La course au gigantisme : de 30 000 à 1 000 000 d’habitants (1783 – 1874)
Avec la fin de la Guerre d’indépendance, New York renaît de ses cendres et est même provisoirement déclarée capitale de la nation en 1789 ! La population de Manhattan a fortement augmenté en quelques années (de 30 000 habitants à la fin de la guerre à 60 000 habitants en 1800 !) et dans les décennies qui suivent, le besoin se fait à nouveau cruellement sentir d’établir un plan d’urbanisation rationalisé !
De manière intéressante, cette volonté d’organisation provient d’abord des propriétaires terriens et non pas de la collectivité. Les meilleures terres appartenaient en effet à des particuliers, et la ville de New York ne possédaient en son nom que les terres les moins intéressantes, les rocailles et les marais, qui se situaient au centre de l’île.
Quelques années avant la Guerre d’indépendance, une famille de propriétaires, les De Lancey, avait déjà choisi de fractionner sa ferme, créant de facto des rues pour l’organiser. Royalistes et à contre courant de l’Histoire de New York, les De Lancey ont vu leurs terres être confisquées pendant la révolution, cependant leur héritage urbanistique est toujours présent au cœur du Lower East Side. Six rues ont été percées du Nord au Sud par leurs soins et un parc, le De Lancey Square avait été aménagé en son centre. Ce square n’existe plus aujourd’hui, traversé par le plus récente Grand Street. En hommage à cette famille, les rues percées par cette famille sont d’ailleurs aujourd’hui traversées d’est en ouest par la Delancey street !
En 1788, la famille Bayard a également créé des routes sur sa ferme afin de pouvoir vendre ses terres en lot. 7 rues d’est en ouest et 8 du Nord au Sud ont ainsi été tracées, lesquelles forment aujourd’hui Soho et une partie du Greenwich Village.
Finalement, notons également qu’un certain Petrus Stuyvesant avait l’intention de créer un village sur ses terres. Par contre, il avait pour objectif de respecter une orientation est-ouest réelle au lieu de la légère inclinaison en vigueur. Une seule rue est sortie de terre, la Stuyvesant Street, mais elle reste à ce jour la seule rue de Manhattan orientée selon un axe est-ouest réel. Vous pouvez facilement le vérifier sur une carte, et au moins, M. Stuyvesant a réussi à faire partie intégrante de l’Histoire de New York…
Parallèlement, et dès 1785, la ville de New York a tenté d’organiser les terres lui appartenant. Pendant 20 ans diverses tractations et sondages ont été entrepris par des géomètres. Des propositions ont été faites, mais rejetées pour des raisons pratiques ou politiques. Le projet le plus avancé fut proposé par les géomètres Goerck et Mangin : le Goerck-Mangin Plan ! Pour des raisons de rivalité politique, ce plan fut finalement rejeté en 1803 par la ville de New York. Néanmoins, en l’absence de mieux, les constructions bâties dans les années qui suivirent le furent malgré tout sur ce modèle… Notons également que les 4ème, 5ème et 6ème avenues actuelles proviennent de ce projet bien que justice ne lui ait jamais été rendue.
Alors que Manhattan atteint les 100 000 habitants, en 1811, après quatre années de travail, un nouveau plan est finalement achevé par une commission formée par le politicien Siméon De Witt, le Gouverneur Morris (un des pères fondateurs des USA) et l’avocat John Rutherford : c’est ce qu’on appelle le Commissioners’ plan ! Ce plan d’urbanisme détermine l’organisation future de toute construction partant de Houston Street (alors North Street) au sud jusqu’au nord de l’île. Disons le tout de suite, ce document est celui qui a laissé la marque la plus profonde dans l’Histoire de New York. La structure quadrillée que l’on connait aujourd’hui, le fameux plan hippodamien, s’est imposée car elle prévoyait une meilleure organisation de l’espace, facilitait la circulation, et rationalisait la construction des maisons. Ce plan prévoyait 12 avenues du Nord au Sud et 155 rues d’Est en Ouest. Ces avenues devaient être distantes les unes des autres de 280m et les rues de 60m. Le quadrillage ainsi obtenu créait des parcelles constructibles de 2 ha chacune. Voilà d’où vient la fameuse organisation en blocks !
Contrairement au siècle précédent, l’époque avait changé et le Commissioners’ plan ne s’embarrassait pas à nommer toutes ces nouvelles rues autrement que par des chiffres. Pour la partie immédiatement au-dessus du Lower Manhattan qui correspond aujourd’hui à l’East Village, quatre avenues supplémentaires (de A à D) étaient prévues. Broadway était conservée par le plan, elle obtenait même un rôle particulier puisque son prolongement devait traverser l’intégralité de la ville en diagonale !
Notons également que Greenwich Village n’était pas inclus dans ce plan d’urbanisme, ce qui justifie ses rues si particulières et moins rationalisées. La raison de cette mise à l’écart viendrait de son isolement à la suite d’épidémies de fièvre jaune et de choléra au début du XIXème siècle. Un new-yorkais nous rétorquerait que les 7ème et 6ème avenues traversent pourtant le Village… En effet, cette relative indépendance n’a duré qu’un temps et la ville de New York a profité des travaux d’installation du métro dans les années 1910s pour prolonger ces deux avenues (lien en anglais) à travers Greenwich.
Il est important de signaler que le Commissioners’ plan n’a rien d’une sinécure… Même lors de sa création, il s’est retrouvé face à de nombreuses résistances. La circulation Nord-Sud est par défaut limitée par le faible nombre d’avenues ainsi que par leur étroitesse. De même, en comparant le Commissioners’ plan au NYC d’aujourd’hui, on s’aperçoit vite qu’aucune place n’était laissée aux espaces verts : pas de Central Parc de prévu ! Tout juste un espace de 111 ha appelé Grand Parade était planifié (Central Park est trois fois plus grand). Au final, ce plan prévoit l’espace pour de nombreuses constructions sur une faible superficie. Il est intéressant également de remarquer que le plan n’avait que faire de la topographie. Cours d’eau, collines et vals devaient être simplement nivelés… L’aspect pratique avant tout !
Le Commissioners’ plan tel qu’exposé montre clairement les limites de la ville en 1811 (en gras sur le plan). Cela démontre toute son ambition puisqu’il prévoyait une expansion territoriale de 400% que ses détracteurs pensaient ridiculement ambitieuse. Cette expansion fut atteinte seulement en une soixantaine d’années…
Aujourd’hui, et malgré la longue Histoire de New York, les grands principes de ce plan régissent encore et toujours l’organisation de la ville. Les adresses sont par exemples toujours édictées sur ce modèle. Des exceptions ont cependant été ajoutées, la plus évidente étant la création de Central Park à partir de 1853, mais d’autres avenues sont venues se greffer (les Madison et Lexington avenues), tout comme certains projets architecturaux massifs (Rockefeller Center, Université de Columbia…). Détail amusant, le plan fixait également la taille maximale des immeubles qui ne pouvaient dépasser trois étages sur les avenues et seulement deux sur les rues. Evidemment cette règle a été fortement amendée par la suite… Au total, il y eut 38 modifications du Commissioners’ plan !
A l’origine de l’idée d’installer un espace vert dans Manhattan se trouve la classe aisée de la ville qui souhaitait pouvoir rivaliser avec Paris et Londres. Ils pensaient qu’un grand parc renforcerait la réputation de New York à l’international, ils n’ont pas eu tort ! De plus, l’accroissement important de la population rendait le besoin d’espaces verts pressant. En 1853, les textes juridiques permettant l’achat des terrains étaient votés, et en 1857 un concours d’architectes était lancé. Deux ans plus tard, les travaux débutaient, même s’il a fallu attendre 1873 pour que le parc soit enfin achevé dans sa totalité.
En 1811, le Commissioners’ plan n’avait pas imaginé une expansion si rapide de la ville, il n’avait donc prévu l’occupation des sols que jusqu’à la 155ème rue, c’est-à-dire jusqu’à la limite nord de Harlem. Un vaste espace restait donc à aménager, celui qui correspond aujourd’hui aux quartiers de Washington Heights et de Inwood. A nouveau, dès 1851, des projets mort-nés ont été proposés. Il a fallu attendre 17 ans avant qu’une une nouvelle commission viable réussisse à prévoir et à financer l’urbanisme de cette zone, alors couverte de forêts et de collines avec le fort George Washington qui date de la guerre civile en point culminant.
On dit que Rome ne s’est pas faite en un jour, rajoutons juste qu’il n’a fallu que 60 ans pour construire Manhattan… Les rues étaient ouvertes portion par portion et au cas par cas. Les oppositions juridiques des propriétaires terriens étaient constantes, tout comme les difficultés pour lever les fonds nécessaires aux travaux. Cependant, poussée par une démographie galopante (Manhattan atteint 1 000 000 d’habitants en 1874 !), une législation et une jurisprudence favorables, et bien évidemment par une économie florissante (la grande dépression ne débute qu’en 1873), l’île est entièrement urbanisée à une vitesse impressionnante.
Pour conclure, on peut sans crainte affirmer que l’urbanisation de Manhattan a joué un rôle primordial dans la grande Histoire de New York, et vous savez maintenant pourquoi !
Pour un aperçu complet de l’Histoire de New York, vous pouvez consulter notre article sur l’évolution de New York entre 1876 et 2015.
En bonus, retrouvez la vidéo projetée dans l’ascenseur du One World Trade Center lors de la montée vers la plateforme d’observation, d’où vous pouvez admirer l’une des plus belles vues de New York. Elle montre notamment la transformation de Manhattan au cours des premiers siècles de l’Histoire de New York