Bus scolaires américains : pourquoi un bus jaune ?

Chaque année aux Etats-Unis, 468 000 bus jaunes transportent tous les jours 29 millions d’élèves entre l’école (primaire, collège ou lycée) et leur domicile ou dans le cadre d’activités extra-scolaires. Cela veut dire que plus de la moitié des élèves américains utilisent le school bus, le fameux bus scolaire américain ! S’il n’est pas courant de croiser un bus jaune en France, ces bus scolaires sont à l’inverse constitutifs de l’identité américaine. Pour preuve, il n’est pas un film traitant de près ou de loin du milieu scolaire qui ne met en scène un school bus. On est également prêts à parier que vos photos souvenirs des USA contiennent au moins un bus américain, n’est-ce pas ? De fait, on peut se poser la question : mais pourquoi ces bus sont-ils spécifiquement jaunes alors que leur couleur est variable dans le reste du monde ?

Les tous premiers bus scolaires américains

Aux origines des bus scolaires américains : les kid hacks

Dans la seconde moitié du XIXe siècle la plupart des villes rurales ne possédaient qu’une seule classe. Pour les élèves qui habitaient trop loin pour marcher jusqu’à l’école, le système du kid hack existait au grand soulagement de leurs pieds ! Bien loin des bus jaunes actuels, les kid hacks étaient des vieilles remorques de ferme tirées par des chevaux dont la finalité était détournée en fonction des horaires d’école. A cette époque, le kid hack faisait le tour des fermes alentour et transportait moins de 20 enfants.

Wayne Corporation, le fabriquant de bus scolaires américains ayant été en activité le plus longtemps, a commencé à produire des kid hacks spécialisés à partir de 1886 dans l’Indiana. Afin de ne pas effrayer les chevaux qui tiraient ces véhicules, la porte d’accès était installée à l’arrière du véhicule. C’était tout de même plus facile que de faire entrer 20 enfants dans le silence !

Dès 1914, lorsque les premiers véhicules à moteur se sont répandus à travers le pays, Wayne Corporation a commencé à créer des kid hacks détachables, ce qui permettait au camion d’être modulable et de transporter une autre carriole pendant les heures d’école. Et à partir de 1927, Wayne Corporation a produit ses premières remorques en acier beaucoup plus lourdes destinées au transport d’enfants.

Du kid hack au bus scolaire à moteur

Pendant la transition des chevaux à l’automobile, les remorques n’ont pas beaucoup changé. Les premiers moteurs tiraient les mêmes carrioles que les chevaux. Il n’existait alors pas de protection contre les intempéries, au mieux une bâche était tendue pour protéger de la pluie (pensée émue pour les élèves de l’état du Washington…). Par tradition, l’entrée dans le bus scolaire par la porte arrière avait été maintenue.

En 1927, le premier bus scolaire « moderne » fût créé par AL. Luce, un distributeur de Ford. Il prit comme base la voiture la plus populaire de son temps, la Ford Model-T, et créa une structure en bois équipée de panneaux d’acier. Si un toit était prévu, seuls des rideaux déroulants offraient une maigre protection contre les intempéries, décidément ! Luce lança par la suite sa propre entreprise de bus scolaire : Blue Bird.

A partir de 1930, les bus scolaires américains ont commencé à obtenir une forme spécifique se démarquant des carrioles tractées par les chevaux. Pour faciliter l’entrée dans le bus et augmenter la visibilité, la porte a été déplacée à l’avant, dorénavant actionnée directement par le conducteur. La porte arrière fut cependant maintenue en tant qu’issue de secours.

Un autre changement majeur fut le passage au tout acier. Après l’impulsion donnée par Blue Bird, Wayne Corporation lança le premier bus scolaire 100 % acier en 1930. Les bus étant alors produits par des compagnies régionales, la protection contre les intempéries variait fortement selon les états (victoire pour le Washington !). Le bus de Wayne Corporation lancé en 1930 était cependant le premier à inclure des vitres de sécurité.

A ce moment, la recherche et le design des bus évoluaient en parallèle à ceux des camions commerciaux, notamment avec le développement de la traction avant. En Californie, Crown Coach construisit grâce à ces innovations le plus gros school bus au nom de super héros : le Crown Supercoach, qui pouvait alors transporter 76 passagers ! Ce Supercoach était alors particulièrement adapté aux mauvaises conditions de route en Californie. Vers le milieu des années 1930s, les bus scolaires américains se sont rapprochés du design des camions et en ont adopté l’avant aplati.

Pourquoi les bus jaunes ne sont pas rouges

C’est depuis 1939 que les bus scolaires américains sont jaunes

A la fin des années 1930s, les acteurs du secteur des bus américains se sont aperçus que la multitude de designs et de standards en fonction des états représentait un frein à une production rationalisée et capitaliste du school bus. Du coup, en avril 1939, un expert en espaces ruraux, le Dr Frank W. Cyr invita à l’Université de Columbia les représentants du secteur (pouvoirs publics, constructeurs de moteurs et de châssis, entreprises de peinture, etc.). Ayant des difficultés à réunir les fonds nécessaires pour financer cette conférence, Cyr se tourna vers la fondation Rockefeller, gérée par la célèbre entreprise pétrolière qui accepta de dédier la somme de $5 000 à l’événement. Cette réunion eut pour effet de réduire la complexité de la construction des bus scolaires et d’augmenter la sécurité. Un total de 44 standards a été adopté, de l’obligation que les sièges soient dirigés vers l’avant aux dimensions intérieures et extérieures.

Bien que ces 44 standards décidés en avril 1939 ont été modifiés depuis, l’un d’entre eux n’a jamais évolué : la couleur des bus jaunes, nous y voilà ! Plus facile à voir à l’aube et au crépuscule, elle a également l’avantage de ressortir de façon claire avec les inscriptions en noir. Il a également été démontré que le jaune est la couleur que l’on voit le mieux en vision périphérique (1,24 fois plus vite que le rouge) !

L’évolution des bus scolaires américains

Les bus jaunes ont profité du baby boom et du développement des banlieues

Dans les années 1940s, avec le développement des écoles à plusieurs niveaux de classe dans les villes, les classes uniques dans les zones rurales ont commencé à fermer. Ceci avait pour conséquence que les élèves devaient aller toujours plus loin pour étudier. Les écoles se sont alors mises à acheter et exploiter leur propre flotte de bus, à l’opposé du chauffeur propriétaire de son propre véhicule du passé.

Le système de développement particulier des villes US, avec l’expansion sans fin des banlieues à partir des années 1940s, a également rendu le système de bus scolaire nécessaire dans les grandes villes et a aidé sa diffusion et son implantation en éloignant sans cesse les élèves des écoles.

Le baby-boom des années 1950s à 1980s a transformé les bus jaunes de façon significative. De plus en plus d’élèves devaient être transportés, ce qui a entraîné la construction de bus avec toujours plus de sièges et avec des motorisations de plus en plus élevées. A la fin des années 1950s, une option a même été développée afin de pouvoir faire monter dans le bus des fauteuils roulants.

Vers des bus jaunes toujours plus sécurisés

Dans les années 1970s, les innovations sur les bus scolaires américains ont concerné la sécurité. Une lumière clignotante jaune a été rajoutée à l’arrière afin d’indiquer aux véhicules qui suivent le bus que ce dernier va s’arrêter dans une centaine de mètres. Un bras articulé clignotant a également été installé sur le côté du bus pour signifier aux automobilistes le doublant que des enfants se trouvent dans les environs immédiats du bus. Dans cet objectif sécuritaire, les bus jaunes ont été dotés d’une priorité absolue sur les autres véhicules lors de l’embarquement et le débarquement des élèves !

A partir de 1971, un événement particulier eut un impact sur le développement des bus scolaires. La ville de Charlotte fut la première à développer le concept du busing. A cause des lois raciales des décennies et des siècles précédents, la société américaine était alors profondément ségrégée. Les enfants blancs habitaient dans des quartiers blancs et allaient dans des écoles géographiquement proches de chez eux où n’étudiaient que des élèves blancs. La pratique du busing consistait donc à emmener les enfants d’un quartier blanc vers une école située dans un quartier noir, et vice versa. Cette pratique, qui ne cessa que dans les années 1990s, eut pour effet de multiplier le besoin en bus scolaires.

A partir des années 1980s, la génération des baby-boomers avait terminé ses études secondaires et la flotte des bus scolaires américains s’est retrouvée en surcapacité. Les évolutions techniques des années 1980s à 2000s étaient toujours dirigées vers plus de sécurité (transmission automatique pour éviter de caler à cause des arrêts multiples, augmentation de la taille du pare-brise, ceintures de sécurité, etc.). Depuis 2010, l’accent est mis sur l’aspect environnemental, avec le développement de bus jaunes produisant peu de gaz à effet de serre, mais également sur les nouvelles technologies (des GPS qui indiquent aux parents en temps réel où se trouvent leurs enfants). Pas d’inquiétudes cependant, les bus ne deviendront pas verts… Car au final, une seule chose n’a jamais varié : leur couleur jaune !