Au début du roman de Michel Houellebecq, le professeur héros parle de ce qui fait qu'un écrivain vaut la peine d'être lu : « (Un) auteur est avant tout un être humain… et qu'il écrive très bien ou très mal n'a guère d'importance — du moment qu'il sait les livres écrits et y est effectivement présent. (C'est étrange que quelque chose d'aussi simple, d'aussi apparemment universel, soit en réalité si rare…) »
Peu d'écrivains sont plus présents que Houellebecq, la superstar littéraire internationale qui fait partie de la poignée d'écrivains qui me font invariablement vibrer les nerfs. D'une ironie tranchée sur notre société égocentrique, ses romans sont des provocations aux dents de barracuda, des fictions pleines d'idées remplies de sexe douteux, de masculinité sans joie, de coups portés à l'Islam, de dérision envers les libertés des années 60, de mépris pour l'élite médiatique, d'attaques contre l'UE et misanthropie occasionnelle. Houellebecq est sûrement la figure littéraire la plus acclamée à avoir fait l’éloge de Donald Trump. En France, on le qualifie régulièrement de génie – ou de fluage.
En fait, sa fiction est plus intelligente, plus délicate et plus stimulante que ne le suggère sa réputation polarisante. Ce n’est pas seulement que ses romans sont étrangement prophétiques sur ce qui se passe dans la société. Il va au cœur des choses d’une manière qui fait ressembler la plupart de ses homologues américains à des fonctionnaires bien instruits griffonnant joliment en marge de la vie.
Un sentiment de catastrophe – sociale et personnelle – plane sur son nouveau roman, dont Houellebecq, 68 ans, a déclaré qu'il serait son dernier. Bien que loin d'être le meilleur, c'est un livre fascinant teinté de mortalité. Vous pouvez sentir cet ancien mauvais garçon sortir de sa zone de confort pour faire quelque chose qu'il n'a jamais fait auparavant : explorer la vie de famille de la classe moyenne et le pouvoir de guérison de l'amour.
Comme d'habitude, met en scène un héros masculin décentré. La cinquantaine, Paul Raison est un bureaucrate parisien de haut niveau marié sans sexe à une autre bureaucrate, Prudence. Ennuyé et vaguement mécontent – il ne croit pas à grand-chose – Paul est en train de faire des mouvements, lorsque son monde commence à s'effondrer.
Dans la sphère publique, il existe une série de cyberattaques conçues pour provoquer des secousses sismiques dans l’ordre mondial existant. Dans sa vie personnelle, son père est victime d'un accident vasculaire cérébral et Paul est obligé de s'engager avec sa famille, en particulier avec sa sœur dévotement catholique qu'il évite en grande partie depuis des années. Même s'il est confronté à un système médical souvent byzantin, il doit faire face à un groupe de radicaux antigouvernementaux et à sa propre crise de santé.
Bien que habilement traduit par Shaun Whiteside, le démarrage est lent et trop diffus de moitié – j'ai commencé à sauter les séquences de rêve ennuyeuses. Mais Houellebecq a toujours eu une de ces voix narratives qui attirent, comme dans la première ligne de ce livre : « Surtout si vous êtes célibataire, certains lundis de fin novembre ou début décembre vous donnent l'impression d'attendre la mort. chambre. »
Les œuvres majeures de Houellebecq — , , et — étaient toutes vénérées ou injuriées pour leur apparent cynisme. Pourtant, sous leurs apparences sèchement drôles, parfois choquantes, ils sont l'œuvre d'un conservateur radical – pour emprunter une description que Norman Mailer a utilisée de lui-même. Les livres de Houellebecq décortiquent comment, dans notre société moderne, les gens, en particulier les hommes, se sentent évidés. « Tout peut arriver dans la vie, dit le héros de , surtout rien. »
N'étant plus liés par les vieux systèmes de croyances religieuses, nationales et tribales, les personnages de Houellebecq habitent un monde atomisé dont l'individualisme mène aux sombres consolations de la technologie, du consumérisme et du sexe sans âme caractérisés par la pornographie. Sa grande satire, dans laquelle l'Islam s'empare de la France, a été mise au pilori comme une attaque contre cette religion. En fait, c'est un livre sur une culture française tellement anémique et décadente qu'elle trouve une sorte de réconfort en vivant sous les certitudes de la charia.
Dédaigneux à l'égard de la société de marché de gauche, Houellebecq est un écrivain tellement rusé et ambigu que je ne suis pas toujours sûr quand il plaisante. Je m'identifie souvent à ses personnages, et même lorsque certaines pages me répugnent, Houellebecq bouscule mes perceptions. Il me fait me demander si je suis en contact avec mon vrai moi ou si j'ai adopté sans réfléchir un ensemble d'attitudes transmises par notre culture.
Et dans , il m'a surpris. Après une carrière passée, comme il le dit, à « éliminer les sources d'un optimisme creux », il termine l'histoire de Paul avec certaines des pages les plus tendres – et le sexe le plus tendre – de sa carrière. C'est un livre sur la découverte des liens qui nous unissent et sur la façon de se laisser lier par eux. Rempli d'acceptation, voire de sérénité, il offre la fin la plus heureuse que l'on puisse avoir dans un livre écrit par un écrivain qui ne croit pas au bonheur.