Principalement à travers des images, une fille pleure sa mère dans ‘Ephemera’


Une page de

Les débuts de Briana Loewinsohn s’ouvrent sur des images d’une femme d’âge moyen vêtue de manière décontractée, se tenant dans une profonde contemplation au milieu de grands arbres majestueux.


Couverture d'Ephemera

Finalement, elle est représentée allongée sur le sol où elle se tenait initialement, les yeux bien fermés, les doigts atteignant les brins d’herbe qui la transportent, par le toucher, loin dans son passé. « Je ne me souviens pas de grand-chose de quand j’étais petit », indique le texte.

Sur la page suivante, dans une illustration en miroir, on peut voir une jeune fille vautrée dans l’herbe, ses cheveux noirs, son col claudine et ses mains tendues près des duplications de l’adulte allongé.

Se situant quelque part entre un livre d’images et un roman graphique, les mémoires de Loewinsohn offrent un paysage émotionnel complet entrevu dans des teintes tonales discrètes et des scènes sans paroles, ou bien rédigées à la légère. C’est une lecture calme et solitaire qui oscille entre les images d’une femme d’âge moyen s’occupant avec amour d’un jardin abandonné dans le « présent » du scénario, et les souvenirs qui la visitent d’une enfance essentiellement solitaire vécue dans un paysage similaire. La dédicace du livre – « Pour ma mère et d’autres choses qui n’ont pas été conçues pour durer » – sert de prélude évocateur à un livre dans lequel une fille pleure une mère qui était largement absente avant même sa mort.

Bien que peu de détails concrets soient offerts dans cette histoire subtile et élégante de traumatisme et de résilience de l’enfance, ce qui devient clair, c’est qu’une jeune fille et son frère sombre et inconsolable ont grandi avec une mère aux prises avec une maladie mentale grave et débilitante. Dans les quelques premières scènes où la mère est représentée, elle est représentée à travers une vitre ou à travers un seuil. La fille ne peut pas accéder à une présence fantomatique qui est presque toujours à distance. Son désir – de connexion, de toucher – est néanmoins apparent dans chaque feuille de plante qu’elle caresse, chaque semis sur lequel elle se concentre, attendant, d’abord enfant, plus tard adulte, de voir si elle peut appréhender sa croissance.


Le livre inspiré de Loewinsohn est moins un règlement de compte, plus une sorte de lettre d’amour – bien qu’alambiquée – à cette mère. Adressée comme « vous » tout au long, on se souvient d’elle comme d’une figure essentielle et imminente, celle qui a transmis à sa fille un amour durable pour le plein air et la nature, pour le jardinage et la plantation. Divisée en trois sections, « Dirt », « Leaf » et « Light », la fille adulte est maintenant douée pour la seule occupation qui semblait animer son être cher troublé. Enfant, on lui a involontairement appris à attendre, et attendre, une présence (sa mère) qui pouvait réapparaître à tout moment, puis disparaître à nouveau sans avertissement. De cette façon, révèle comment même quelque chose qui est appris avec une difficulté oppressive à un âge précoce peut avoir de la valeur dans d’autres contextes plus tard. Patience, persévérance, attention : ce sont les outils les plus efficaces du jardinier.

Vers la fin du livre, une conversation imaginaire entre mère et fille, une sorte de réunion et de réconciliation, est un rappel important. L’échange fantastique démontre comment l’imagination peut aider à forger ou à ressusciter des liens d’attachement, même pour des personnes ou des lieux disparus depuis longtemps. L’imagination est, en fait, un mécanisme constructif de deuil.

Comme certains des livres d’images et des romans graphiques sans paroles les plus puissants – du pionnier de Shaun Tan à celui de Daishu Ma, Guojing, ou même le briquet de Sara Varon, parvient à présenter un paysage interne et externe pleinement développé sans s’appuyer fortement sur les mots. C’est une exploration sophistiquée et pittoresque des poids que les adultes portent avec eux depuis leur enfance, des empreintes et des encombrements qui les accompagnent partout où ils vont. C’est aussi un rappel de la façon dont les gens peuvent remodeler ces fardeaux, en utilisant l’art et l’inventivité pour réaligner le passé par rapport au présent.