L’AJ6, dernier des 6 cylindres en ligne

AJ6 Engineering propose sur son site une excellente monographie sur l’AJ6. On ne peut que regretter la disparition de ce remarquable 6 cylindres en ligne, à double arbre à cames en tête et 24 soupapes, qui allie une robustesse exceptionnelle à une puissance spécifique très honorable et un couple généreux, le tout couronné par une consommation plus que raisonnable. Si l’entretien a été fait correctement, un kilométrage élevé (plus de 200 000 Km) ne doit pas effrayer l’acheteur potentiel : l’AJ 6 a de la  ressource.Les chaînes de distribution durent très longtemps, bien plus longtemps qu’une courroie, et n’engendrent pas beaucoup plus de bruit. C’est à mon avis un des meilleurs moteurs que Jaguar ait jamais construit.

C’est le premier multisoupapes de la marque. On notera que Jaguar propose en 1983, une formule (moteur en aluminium, 4 soupapes par cylindres, double arbre à cames en tête) que l’on voit apparaître chez Rolls-Royce avec le Merlin dès… 1938 ! Mais il s’agissait d’un moteur aéronautique (le moteur des Hurricane, Spitfire et Lancaster), nettement en avance sur les usages  alors en vigueur dans l’automobile, où  le bloc en fonte et les soupapes latérales étaient la norme. 

Le moteur AJ – pour Advanced Jaguar – prend la suite de la célèbre série K. On le voit apparaître en version 3.6 sur la XJS, et dès sa sortie sur la XJ 40. Le 3.6 est en 1990 remplacé par le 4.l , doublé d’un 3.2, qui conserve le même alésage (92 mm) que le 4 l. mais avec une course plus courte (83 mm au lieu de 102 mm) et un taux de compression légèrement plus élevé (9.75 : 1 au lieu de 9.50 : 1). Par rapport aux séries 1, 2 et 3, la nouvelle XJ 6 cylindres gagne en performances, et surtout en économie. Même si la XJ40 n’atteint pas l’élégance suprême des modèles antérieurs, elle cesse d’être un gouffre à essence pour devenir une voiture particulièrement économique en regard de son poids . C’est l’AJ6 qui fait des XJ40 et des XJS de bonnes voitures utilisables au quotidien. Et n’oublions pas que c’est le 3.2 à course courte qui a été choisi par Aston Martin pour la DB7 6 cylindres : avec son compresseur Eaton, le 3.2 développait 335 cv, soit un peu plus de 100 cv/l. On notera que la XJS a été proposée d’emblée avec le 3.6 puis le 4.0, mais n’a jamais connu le 3.2 – dommage sans doute, car une XJS à moteur 3.2 atmosphérique eut été déjà agréable et très économique, tandis qu’un 3.2 suralimenté aurait procuré des performances supérieures au V12, avec un allègement général et une meilleure répartition des masses.

L’AJ6, dans l’Aston Martin DB7 6 cylindres. Ce n’est pas son seul emprunt à Jaguar, la DB7 utilise aussi la plate-forme de la XJ-S.

On retrouve toujours l’AJ6 sur la X 300, qui succède à la 40. Avec la X 300, disparaît la dernière Jaguar à moteur en ligne. Place (hélas) aux V6 et V8. Encombrant certes, mais naturellement équilibré, le 6 cylindres en ligne était un régal. Si l’on considère le coût d’entretien, le 4 litres atmosphérique peut être un bien meilleur choix que le V 12. Quant à un 4 litres suralimenté (400 cv sur une X300 Chasseur), il est aujourd’hui difficile d’en profiter tout en conservant son permis. Avec une gestion de l’alimentation plus élaborée, le 3.2 offre des performances sensiblement comparables au 3.6. Il délivre moins de puissance et moins de couple que le 4.0, mais ne fait pas de la 40 une voiture sous-motorisée. Un AJ6 ne vous demandera pas grand chose : un filtre à air changé régulièrement, et à chaque vidange, filtre à huile et près de 8 litres d’huile, mais pas la plus chère. Une bonne 10W-40 ou encore mieux, une 15W-50 semi-synthétique sera parfaite. Éviter les huiles de synthèse, trop fluides. Et pourquoi pas, pour les moteurs atmosphériques, et à condition de faire les vidanges un peu plus souvent, une  minérale de qualité ? Lorsque le kilométrage est très important, une 20W-50 peut être conseillée, sauf si la température est intérieure à – 10 °).

AJ6 ou AJ16 ?

L’AJ 16 est monté sur les X 300 6 cylindres entre 1995 et 1997 en  » versions, le 3.2 et 4.0 litre atmosphériques, et le 4.0 suralimenté.. On retrouve aussi le 4.0 sur la XJS. L’AJ 16 est une évolution de l’AJ6 qui présente peu de modifications au niveau du moteur lui-même. En revanche, l’allumage a été entièrement revu. Il s’agit désormais d’un allumage sans distributeur, avec les bobines sur les bougies.Cette technique, courante aujourd’hui mais innnovante en 1995, permet de gérer l’allumage cylindre par cylindre. Le moteur est en principe plus propre (combustion plus complète des gaz de recyclage), plus performant, plus sobre, avec un ralenti plus stable. La durée de vie des bougies est prolongée, et globalement, la fiabilité serait améliorée. Le distributeur a disparu : c’est l’ECU qui commande l’allumage, à partir des informations qu’il reçoit du capteur de vilbrequin. On notera aussi que l’AJ 16 reçoit de nouveaux injecteurs (des Lucas, à la place des Bosch). Pour résumer, l’AJ16 conserve la robustesse et la fiabilité de l’AJ6, avec un allumage plus moderne. Peut-on monter un AJ16 sur une XJ40 ? Il y en a qui ont essayé…D’après ce que j’ai lu, ils ont dû remonté un allumage de XJ40, car l’adaptation d’un ECU de XJ300 sur une 40 posait d’autres problèmes.
A l’usage, l’AJ16 n’est guère différent de l’AJ6. L’AJ 16 3.2 développe 218 cv contre 200 pour l’AJ6, soit une augmentation de moins de 10%. Le couple maxi est très légèrement supérieur, mais intervient à un régime plus élevé. Dans la plage d’utilisation habituelle, c’est à dire jusqu’à 3500-4000 tours, les courbes de puissance et de couple des deux moteurs sont rigoureusement superposables : voir  http://www.automobile-catalog.com .Les chiffres de consommation donnent un très léger avantage à l’AJ16. La question est de savoir si le gain en consommation tient au moteur, ou au fait que l’AJ16 est monté dans la X300, dont le scx serait un peu plus favorable que celui de la XJ40 et qui doit lui rendre quelques kilos.

3.2 ou 4.0 ?

Comme avec l’AJ6, le couple supérieur du 4.0 litres permet un rapport de pont plus long qui abaisse le régime moteur : on tourne moins vite sur l’autoroute, et la consommation est très légèrement abaissée. Pour la puissance, ce n’est pas le jour et la nuit : il faut passer à la version suralimentée pour vraiment faire la différence. Les AJ6/16 sont des moteurs qui se caractérisent avant tout par une robustesse exceptionnelle : sachant qu’il est pratiquement impossible de maltraiter à la conduite un moteur avec une transmission automatique, il faut renoncer à faire les vidanges pour qu’un AJ6/16 ne passe pas le cap des 200 000 Km ! Avec un entretien régulier, on peut largement dépasser les 300 000 Km, sans toucher à quoi que ce soit (sauf peut-être les joints des collecteurs d’échappement, c’est un point à surveiller). 

Pour ceux qui seraient tentés par la XJ 308 et son V8

La douceur de fonctionnement de l’AJ6 tient en grande partie à sa configuration : un 6 cylindres en ligne est de par nature, parfaitement équilibré. Pour comprendre pourquoi, il suffit de regarder très attentivement le gif animé (repris de http://asthalis.free.fr/site_actu.html )
Le dessinateur n’avait peut-être pas cherché à reproduire un AJ6, mais ce 6 cylindres en ligne, à double arbre à cames et 4 soupapes par cylindre lui ressemble beaucoup.