Les appareils de la bataille d’Angleterre : le boulton Paul Defiant

On trouvera sur Internet une multitude de sites, abondamment illustrés, qui diffusent une information très riche, mais souvent redondante. Il en est de même des ouvrages imprimés : beaucoup sont rédigés avec soin, mais ne sont que des compilations de la littérature précédemment parue. Enfin, certains détails, essentiels pour les collectionneurs, tels que l’énumération exhaustive des appareils, avec numéros de série et affection, sont de moindre utilité pour l’historien. Nous vous proposons ces quelques fiches qui résument l’essentiel.

Le Boulton Paul Defiant est un avion d’une conception originale : chasseur biplace, il possède une tourelle hydraulique qui s’oriente sur 360°, équipée de deux paires de mitrailleuses Browning de calibre 0.303 ( 7,7mm). L’avion semble posséder une forte puissance de feu, et son pilote est entièrement déchargé des soucis du tir. En revanche, il ne possède aucun armement sur l’avant. La concentration des quatre mitrailleuses dans la tourelle peut le placer en fâcheuse posture si cette dernière est endommagée ou si le mitraillleur est touché.

Comme presque tous les avions britanniques, il est motorisé par le Rolls Royce Merlin, un V 12 à refroidissement liquide de 27 litres de cylindrée, qui développe environ 1000 cv dans la première version, Mark I, et un peu plus de 1200 cv dans la deuxième version ( Mark II). La tourelle pèse à elle seule 200 kg. En ordre de marche, avec les pleins et les munitions, Le Defiant rend plus de 800 Kg à un Hurricane équipé du même moteur. Plus lent que les chasseurs conventionnels (vitesse maxi inférieure à 500 Km/h, vitesse de croisière vers 400 km/h), et moins maniable, le Defiant ne peut pas faire jeu égal avec un Messerchmitt.

Etudié dès 1935 (Boulton Paul avait déjà mis au point la tourelle), le premier prototype (sans tourelle) prend l’air le 11 août 1937. Les études et la fabrication prennent un retard considérable. Le second prototype (avec tourelle), ne vole qu’en mai 1939 et l’avion de production effectue son premier vol le 30 juillet 1939. On constate que les performances du premier prototype se trouvent sensiblement dégradées par le poids et la trainée de la tourelle. La livraison intervient à partir de décembre 1939. Le Defiant va équiper le Squadron 264 puis le Squadron 141.

Le dessin de l’avion est assez fin, et sa silouhette rappelle celle du Hurricane. C’est sans doute la raison pour laquelle le Defiant sort vainqueur des premiers combats au-dessus de Dunkerque : les pilotes allemands, le confondant avec un chasseur conventionnel, découvrent trop tard que le Defiant peut faire feu de l’arrière. Mais ils apprennent rapidement à l’identifier et à tirer parti de ses faiblesses, notamment sa grande vulnérabilité à l’attaque frontale. Les pertes deviennent alors insupportables. En tant qu’intercepteur de jour, l’appareil est retiré du service peu après la Bataille d’Angleterre, et devient chasseur de nuit jusqu’à l’arrivée des Mosquito et Beaufighter.Il accomplit alors un travail remarquable pendant le Blitz, au cours de l’hiver 40-41, avec le Squadron 256. Le Defiant sera utilisé par la suite pour le secours en mer, l’entraînement, la traction de cibles. Un exemplaire servira jusqu’en 1948 chez Martin Baker pour des essais de siège éjectable, le siège éjectable prenant tout naturellement la place de la tourelle.

La production du Defiant cesse en février 1943 : 1064 exemplaires anront été construits : 713 Mark I et 212 Mark II (à partir de février 1941), auxquels il faut ajouter quelques Defiant dotés d’un radar embarqué (Mark IA).

Le chasseur à tourelle n’était sans doute pas une idée absurde. En 1937, le Defiant est plus moderne, et plus rapide que certains appareils conventionnels de la RAF comme que le biplan Gloster Gladiator. Mais lorsqu’il parvient au stade de la production, à la fin de l’année 1939, il doit se comparer au Spitfire et ne peut en aucune façon lutter à armes égales avec le Messerchmitt. L’avion en lui-même ne manquait pas de qualités. En choisisant d’appliquer au chasseur monomoteur son expérience de la tourelle motorisée, acquise avec le bombardier Overstand, Boulton Paul pensait doter la RAF d’un intercepteur d’une puissance de feu considérable. En fait, l’appareil s’était révélé vulnérable, ne pouvant faire feu de l’avant, et devait se placer nécessairement en-dessous de l’adversaire tout en le précédant pour pouvoir l’atteindre.

Le Defiant permet cependant à Boulton Paul de se lancer dans la fabrication en grande série de tourelles hydrauliques, qui vont équiper par la suite de nombreux bombardiers, le Halifax tout d’abord, puis plusieurs appareils américains, dont les B24 destinés à la RAF.

La tourelle, entièrement autonome (elle possède sa propre pompe hydraulique) est entourée à l’avant comme à l’arrière, de déflecteurs aérodynamiques escamotables, commandés par des vérins hydrauliques. Pour accroître le champ de tir, les mâts de l’antenne radio sont situés sur le ventre de l’appareil, et se rétractent lorsque le train d’atterrissage descend. D’une construction entièrement métallique, le Boulton Paul est par ailleurs un avion moderne. La tourelle est autonome, et peut se monter et se démonter en quelques minutes. Les premières tourelles Boulton Paul, montées sur le bombardier Overstrand de 1930, étaient mues par l’air comprimé : elles ne pouvaient fonctionner longtemps en continu, car après quelques minutes, les réservoirs d’air comprimé étaient vides, et devaient être à nouveau rechargés par un compresseur. Le nouveau modèle est hydraulique-électrique : elle comprend deux pompes et deux circuits séparés, le premier qui assure le mouvement des mitrailleuses et le second les mouvements de la tourelle. Les pompes sont mues par des moteurs électriques de 24 volts.

Des résistances sont prévues, pour réchauffer la pompe et les moteurs, et d’autres incorporées dans le circuit hydraulique. Tout est conçu pour assurer un bon fonctionnement aux basses températures rencontrées en altitude mais rien n’a été imaginé pour le mitrailleur, qui comme sur tous les avions de l’époque, doit revêtir une combinaison chauffante. Une prise est prévue pour l’alimentation de la combinaison, ainsi que pour l’alimentation en oxygène. Un interrupteur électrique interdit la mise à feu lorsque l’hélice ou les structures de l’avion se trouvent dans le champ de tir. Relativement légères, les nouvelles tourelles Boulton Paul sont conçues autour de la mitrailleuse Bowning 0.303 qui équipe la RAF depuis les années 1920.

On peut s’étonner de la persistance jusqu’à la fin de la guerre de ce calibre de fusil. Ce n’est en effet que dans les tout derniers mois qu’apparait sur les avions britanniques le calibre zero point 5, soit 12,5mm, utilisé universellement par l’USAAF, alors que l’armement et la protection des chasseurs avait évolué : canons de 20 mm, blindages légers, plexiglass épais pour protéger le pilote, réservoirs auto-obturants. Le 0.303 possède une grande rapidité de tir (1200 coups/minute) et une grande vitesse initiale, mais le calibre est sans doute un peu insuffisant, d’autant que la portée de la Bowning 0.303 est faible (1000 m en théorie, vraisemblablement 500 m en pratique). La Browning 0.50, dont la cadence de tir est légèrement inférieure, présente l’avantage d’une portée théorique de 7000 m, avec des munitions d’un pouvoir perforant sans commune mesure. Cependant, l’adoption du 0.50 aurait induit de nombreuses difficultés, auxquelles il n’était pas possible d’apporter une réponse immédiate. Il fallait fabriquer en série les munitions, prévoir l’approvisionnement en pièces détachées, et modifier les tourelles. La mitrailleuse 0.50 est en effet beaucoup plus lourde (environ 30 Kg contre 10 Kg) avec des munitions également plus lourdes (48 g contre 11 g). Le surcroit de poids aurait inévitablement conduit à reconstruire les tourelles, et à modifier la structure des avions pour supporter ces tourelles alourdies.

Qu’aurait-il fallu au Defiant pour être moins vulnérable ? Sans doute un armement plus puissant vers l’avant, pour compléter la tourelle. Plus de puissance aussi, c’est à dire deux moteurs. Curieusement, ce chasseur à tourelle a été construit, non par Boulton Paul, mais par Bristol. Il s’agissait du Beaufighter Mark V, bimoteur de chasse et de lutte anti-soumarine, muni de deux canons de 20 mm à l’avant, d’une tourelle Boulton Paul avec 2 paires de mitrailleuses Browning, sur lequel les moteurs Hercules d’origine (des radiaux sans soupapes) avaient été remplacés par des Rolls-Royce Merlin. Il semble que la tourelle ait engendré une traînée aérodynamique préjudiciable aux performances. La fabrication ne fut pas poursuivie et le Beaufighter Mark V n’exista qu’en deux exemplaires, affectés début 1942 au Squadron 29.